La place de la femme dans le monde ludique

Encore aujourd’hui le monde est capable de modeler des inégalités, parfois flagrantes, d’autres fois un peu moins. On pourrait affirmer que l’Homme a besoin de ces inégalités un peu comme une voiture qui nécessite de l’essence pour avancer. 

Dans le microcosme des jeux de société, on dit que les femmes créent des jeux mignons pour les enfants alors que les hommes créent quant à eux les jeux qui durent une éternité et qui sont tellement casse-tête que notre cerveau risque d’exploser ! On appelle ça des stéréotypes, en d’autres mots une étiquette qu’on attribue aux gens qui devrait correspondre à la vision du monde de certaines personnes. Comme on suit la masse, on suit l’étiquette et souvent ceux qui essayent de s’en débarrasser, on dit qu’ils sont “bizarres”. Encore en 2023 on n’arrive pas à voir la beauté de la différence et le courage qu’il y a dedans. 

Heureusement, certaines personnes ne se laissent pas influencer, elles ne veulent pas de cette étiquette qu’on leur colle. Elisabeth Magi en était une, une de ces femmes qui voulaient trouver sa place dans la société. C’est en effet la créatrice du célèbre jeu Monopoly. En 1907, celui-ci se nommait « The Landlords’game ». Mlle Magi n’a pas été reconnue tout de suite comme son autrice car l’ingénieur Charles Darrow a racheté son jeu et l’a fait évoluer ; il a également changé son nom pour l’actuel Monopoly. Dans la mouture de Magi, il existait deux versions du jeu : une compétitive et une coopérative. La version coopérative fut supprimée par Charles Darrow : selon lui cette version n’était pas très utile car à cette époque seule la compétitivité comptait.

De nos jours, la situation n’a pas beaucoup évolué : plusieurs femmes sont autrices de blockbusters (Jenga, Scotland Yard, Cryptid, etc.) mais elles ne sont pas reconnues en tant que telles. Souvent lors des foires et festivals de jeux, les auteurs masculins sont invités alors que les femmes demeurent absentes. Lors de leurs rares présences, on ne laisse pas parler les femmes,  peut-être de peur qu’elles prennent la place des hommes. 

 

C’est le témoignage de Tatiana Dronjak, la blogueuse de Girl dot Game, lors d’une conférence à la ludothèque d’Auderghem qui s’est tenue ce vendredi 27 janvier 2023. Elle a notamment raconté son expérience en tant qu’utilisatrice des réseaux sociaux pour présenter, donner son avis et entamer des réflexions sur « la morale » de différents jeux. 

Mlle Dronjak atteste que cette inégalité se retrouve aussi dans les différents prix donnés aux auteurs de jeux de société. Tout d’abord, le jury du prix l’As d’Or qui récompense principalement les meilleurs jeux de société édités et distribués sur le marché français dans l’année. Depuis sa création, seulement 64 femmes pour 179 hommes y ont siégé. Concernant les gagnants de ce prix, il y a eu 156 hommes pour seulement 20 femmes. En 2022, il n’y a eu aucune femmes, mais plusieurs jeux ont été créés en groupes mixtes.

Dans le top 200 BGG (Board Game Geek), un autre prix, seules 14 femmes sont autrices ou co-autrices.

Les femmes sont également peu représentées dans les couvertures des jeux. Souvent on les oublie tout simplement. Quand elles y apparaissent, elles sont dessinées avec le dos cambré, des talons et un petit pantalon moulant. Notamment sur la couverture de « De Crew » la femme se trouve à gauche et elle est reconnaissable grâce à toutes ces caractéristiques. Et la nouvelle mode ? On se limite à dessiner un paysage, dans ce cas pas de risque de jugement. D’autres dessinateurs s’épargnent tout simplement le choix entre hommes et femmes et les remplacent par des animaux. En 2016, le mouton était plus populaire qu’une femme sur les couvertures de jeu ! 

Voici quelques statistiques par rapport aux couvertures des jeux de société actuellement : 

16% d’hommes 

3% de femmes 

13% d’animaux 

58% de paysages

 

Tatiana propose des pistes de réflexions intéressantes qui peuvent être appliquées dans beaucoup d’autres circonstances afin d’assurer une meilleure inclusivité. Notamment, il faudrait augmenter la visibilité des femmes dans les espaces visuels des jeux ; favoriser les rencontres entre autrices, illustratrices et joueuses ; inviter plus des femmes à s’exprimer lors de tables rondes et mettre en avant les initiatives et créations féminines.

Finalement, ces idées qui peuvent parfois paraître étranges sont en réalité inédites et pleines de propos intéressants. Ces personnes pleines d’idées ne sont pour finir pas inintéressantes ou bizarres,  elles sont tout simplement alternatives. 

Une séance de jeux sera organisée à la ludothèque d’Auderghem pour tester les jeux de différentes autrices féminines. La soirée jeu se tiendra le 11 mars pour les enfants à partir de dix ans. Pour les plus petits, une séance le 11 février (4-9 ans). 

Les sources utilisées pour rédiger cet article sont principalement la conférence tenue par Tatiana Dronjak à la bibliothèque d’Auderghem le vendredi 27 janvier 2023 et le site internet tenu par cette dernièreGirl dot game”.     

Anita